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Agriculture française : avenir (11 12 2015)

Question de sénateur et réponse ministérielle publiées le 3 décembre 2015 sur le site du Sénat (cliquer ici pour accéder au site du Sénat)

http://www.senat.fr/questions/base/2015/qSEQ150717230.html

Question écrite n° 17230 de M. Daniel Laurent (sénateur de Charente-Maritime)

 Daniel Laurent attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur les attentes de la profession agricole dans un contexte de fortes tensions sur les prix que connaissent presque tous les secteurs de production. L'agriculture française doit être soutenue par les pouvoirs publics, en agissant sur les prix, avec un contrôle de la pertinence des systèmes de cotations actuels et une « remise à plat » des dispositifs, si nécessaire; en contrôlant les pratiques commerciales abusives ; en appliquant réellement la clause de renégociation ; en contractualisant en multi-partenariats, tout au long de la chaîne alimentaire (producteur, coopérative, distributeur).

 

Dans le domaine des viandes, l'origine « France » doit être valorisée et il faut agir sur tous les débouchés. Il faut également augmenter la visibilité de la qualité française à l'exportation, par un accompagnement opérationnel des entreprises qui souhaitent explorer de nouveaux marchés, par la mise en place de structures commerciales pour répondre aux appels d'offre et d'outils d'évaluation prévisionnelle. De plus, il conviendrait d'accompagner les producteurs pour répondre aux besoins du marché dans un cadre interprofessionnel.

 

De même, les pouvoirs publics doivent-ils être aux côtés de la profession pour définir une réelle stratégie d'investissement de l'État en faveur de la modernisation et de l'innovation dans les exploitations agricoles, pour entamer une réflexion sur la place de l'investissement productif dans la future politique agricole commune (PAC), soutenir la modernisation et l'agrandissement des outils de l'aval. Il faut redonner de la compétitivité par une baisse du coût du travail, par une fiscalité efficace, en renforçant les fonds propres de l'exploitation par la mise en œuvre de dispositifs efficients face aux aléas. Enfin, il faut en finir avec l'excès normatif et réglementaire, en développant une nouvelle approche fondée sur l'applicabilité dans l'exploitation agricole.

 

En conséquence, il lui demande quelles sont les mesures que le Gouvernement compte mettre en œuvre en la matière.

 

Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée dans le JO Sénat du 03/12/2015 - page 3224

 

 

Les filières d'élevage traversent une période très difficile. Les prix à la production fortement dégradés ne permettent plus la rémunération d'une partie des éleveurs et grèvent les trésoreries des exploitations, parfois déjà fragilisées depuis plusieurs années. Cette situation s'explique en partie par des tensions sur les marchés européens et mondiaux, mais elle trouve sa source également dans les difficultés structurelles d'organisation pour les filières viandes et dans la « guerre des prix » à la consommation qui ne permet plus des relations équilibrées entre les différents acteurs de la filière alimentaire. Le plan de soutien à l'élevage français adopté par le Gouvernement le 22 juillet 2015 et renforcé le 3 septembre 2015 comprend des mesures d'urgence et des outils de moyen terme pour les 200 000 éleveurs français mais aussi les centaines de milliers de salariés qui travaillent dans les filières viandes et produits laitiers.

 

Ces mesures viennent s'ajouter à l'ensemble de l'action du Gouvernement menée en soutien à l'élevage depuis 2012. Des mesures d'urgence ont en effet déjà été mises en œuvre en ce début d'année au sein des cellules d'urgence départementales que le ministre en charge de l'agriculture a demandé aux préfets de mettre en place dès le 20 février 2015. Plusieurs médiations autour de l'enjeu des prix dans les principales filières avaient déjà abouti ces dernières années, et les promotions sur le porc ont été encadrées par arrêté du 10 juin 2015 que le ministre chargé de l'agriculture a signé conjointement avec le ministre chargé de l'économie. Enfin, des mesures d'ordre structurel ont également été prises, notamment au travers de la réforme de la politique agricole commune afin de réorienter les aides vers l'élevage ou encore la loi relative à la consommation, et la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.

 

Le plan de soutien à l'élevage français s'articule autour de six grands axes.

-Les prix : les hausses de prix à la production constatées dans certaines filières ont été permises grâce à une mobilisation de tous les acteurs. Un travail est engagé pour que les filières s'organisent autour de produits générateurs de valeur pour chaque maillon. Plusieurs tables rondes se sont tenues ces derniers mois avec les représentants des filières bovine (lait et viande) et porcine, avant même la mise en place du plan de soutien à l'élevage. Le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a tenu à présider ces réunions, prenant toute la part de la responsabilité qui lui incombe afin de faire en sorte que les différents acteurs des filières s'accordent sur le constat de la difficulté de la situation des éleveurs et sur la nécessité d'en tenir compte dans le cadre de leur négociation commerciale. La plupart des acteurs ont entendu ce message et ont fait des efforts, mais ça n'est pas le cas de tous, comme l'ont montré les derniers développements sur le marché du porc. Malgré tout, on constate, en France, que la chute des cours du porc, stoppée pendant plusieurs semaines cet été, ainsi que la baisse des prix du lait et de la viande bovine ont été moindres globalement sur la période, qu'ailleurs en Europe. L'enjeu est désormais de tenir ces niveaux de prix, et d'éviter des chutes de prix qui seraient insupportables pour de nombreux producteurs. Le Gouvernement appelle la grande distribution, la transformation, et toute la restauration commerciale hors domicile à continuer de prendre leurs responsabilités en utilisant au maximum et mettant en valeur au mieux l'origine française des produits qu'ils vendent ou servent, en répondant aux attentes du consommateur.

-La restructuration de l'endettement bancaire, avec possibilité de recours à une « année blanche » : à travers la mobilisation exceptionnelle du fonds d'allègement des charges, dont le budget a été abondé de 100 M€, l'État assure la prise en charge partielle des intérêts d'emprunt des éleveurs, du montant de la garantie accordée aux éleveurs pour restructurer leur dette ou des coûts liés à la restructuration des prêts des éleveurs. Cette mesure permet d'apporter un soutien en trésorerie aux éleveurs en difficulté identifiés par les cellules d'urgence départementales. La restructuration des prêts peut être mise en place sous la forme d'une année blanche pour les éleveurs en difficulté qui en feront la demande. Cette opération permet aux éleveurs concernés de ne pas avoir à rembourser leurs annuités bancaires (capital et intérêts) durant douze mois. En parallèle, la mise en place par Bpifrance d'un fonds de garantie dédié aux éleveurs permettra d'accompagner la restructuration par les établissements de crédit des dettes des éleveurs et l'allongement de leur maturité. L'ensemble de ce dispositif contribuera à assainir la situation financière des éleveurs les plus en difficulté de manière durable, à des conditions négociées avec les établissements bancaires.  Plus de 30 000 dossiers sont en cours d'examen par les cellules d'urgence, et les paiements des aides sont en cours, dans un premier temps pour les dossiers des éleveurs porcins et bovins viandes au titre des mesures mises en place dès le début de l'année. L'objectif fixé par le Gouvernement est de payer d'ici la fin de l'année, tous les dossiers qui auront été déposés avant le 30 septembre 2015.

-L'allègement des charges sociales : afin de soulager les trésoreries des agriculteurs, ce sont plus de 180 M€ de baisses de charges sociales qui ont été prévues en 2015, dont plus de 140 M€ en faveur des éleveurs en difficulté. Tous les agriculteurs ayant eu des revenus très faibles en 2014 (moins de 4 184 €) ont la possibilité d'opter en faveur de l'assiette des revenus 2014 pour le calcul des cotisations 2015. De plus, la cotisation minimum maladie est réduite à 454 € dès 2015 (au lieu de 833 € auparavant). Par ailleurs, les agriculteurs peuvent demander un report du paiement de leurs cotisations sociales (personnelles et patronales) jusqu'en 2016, et pour les situations les plus critiques jusqu'en 2017, voire 2018. Enfin, des prises en charge de cotisations sociales pour un montant de 50 M€ ont été réservées aux éleveurs pour alléger les dettes sociales.

-L'allègement des charges fiscales : un ensemble de mesures (remises gracieuses de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) ou d'autres impôts directs pour les fermiers, report d'échéance de l'impôt sur le revenu et sur les sociétés, mensualisation (ou trimestrialisation au choix de l'éleveur) sans pénalité du remboursement de la taxe de la valeur ajoutée) a été mis en œuvre sans délai, via les cellules d'urgence départementales regroupant tous les acteurs impliqués, sous l'égide des préfets. Les exploitants identifiés en cellule d'urgence comme les plus fragilisés et devant être traités en priorité, bénéficieront automatiquement d'un report de paiement sans pénalité au 15 décembre 2015 de la TFPNB 2015, du solde de l'impôt sur le revenu 2015 et/ou de la taxe d'habitation 2015. La saisine de la cellule d'urgence, guichet unique, vaut par ailleurs automatiquement demande de remises gracieuses auprès de l'administration fiscale, qui procèdera à l'examen individuel.

-La contractualisation : elle sera améliorée dans la filière lait et sera érigée comme principe dans les filières viandes bovine et porcine pour donner plus de visibilité à tous les acteurs de la filière sur leurs marges et leurs rémunérations. Un travail de fond a été engagé sur la base de rapports d'inspection initiés au printemps et qui viennent d'être finalisés, et ce en lien étroit avec la profession agricole. Si des ajustements réglementaires ou législatifs s'avéraient nécessaires, le ministre chargé de l'agriculture s'est d'ores et déjà engagé à mener ces réformes.

-L'exportation : elle sera encore encouragée et une meilleure valorisation sur les marchés export, indispensable compte tenu du poids qu'ils représentent dans les débouchés français, sera recherchée. À ce titre, le Gouvernement est mobilisé pour soutenir les démarches des professionnels dans tous les pays identifiés comme marchés prioritaires. Des initiatives sont prises en direction des grands pays émergents, en particulier en Asie, pour promouvoir nos produits. Une plate-forme commune export a été créée sous la forme d'une SAS afin que l'ensemble des acteurs s'organise davantage pour adapter l'offre française en viandes et ainsi répondre au mieux à la demande extérieure. Enfin, 10 M€ supplémentaires sont mis à disposition des professionnels, via FranceAgriMer, pour mettre en place des mesures de promotion, sur le marché intérieur comme sur les marchés extérieurs.

-La transition énergétique : le Gouvernement entend diversifier le revenu des éleveurs en les faisant participer à la transition énergétique. Les tarifs de rachat de l'électricité produite par les petites et moyennes installations de méthanisation agricole et les installations solaires de moins de 100 kilowatts ont été revalorisés afin d'accroître leur rentabilité. De plus, les exonérations fiscales applicables, depuis la loi de finances pour 2015, aux nouveaux méthaniseurs agricoles, seront désormais étendues aux installations de méthanisation agricole dites « pionnières », déjà en fonctionnement ; cette mesure contenue dans le projet de loi finances pour 2016 était très attendue par les agriculteurs-méthaniseurs.

 

La diversification des revenus des agriculteurs et leur bonne inclusion dans le développement de l'économie circulaire sont primordiales pour l'avenir de l'économie agricole de notre pays à moyen-long terme, au titre de la préservation de notre environnement, mais également pour diminuer l'exposition des agriculteurs aux risques, pour faire baisser leurs coûts de production, et donc pour améliorer leur compétitivité.

 

Les filières d'élevage pourront poursuivre leur modernisation afin d'améliorer leur compétitivité, d'assurer leur développement et leur pérennité, en se saisissant des outils d'ores et déjà mis à leur disposition, notamment le soutien à l'investissement au travers du programme des investissements d'avenir (PIA), du plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations (PCAE) ou encore des possibilités offertes par la mesure permettant le suramortissement des investissements productifs annoncée par le Premier ministre au printemps 2015. Pour aller encore plus loin dans l'effort d'accompagnement et de soutien à l'investissement dans les exploitations agricoles afin de préparer l'avenir, les crédits du ministère en charge de l'agriculture ont été renforcés dès 2015, et pour trois ans, portant à 86 M€ la contribution annuelle du ministère dans le cadre du PCAE. L'enveloppe annuelle consacrée au PCAE, intégrant notamment les crédits apportés par les régions et l'Union européenne, devrait ainsi atteindre 350 M€.

 

En outre, les appels à projet menés dans le cadre du PIA, au titre des investissements visant la reconquête de la compétitivité des outils d'abattage et de découpe, se voient dotés de 30M€ supplémentaires pour porter à 50 M€ l'enveloppe dédiée au financement de ces opérations. Ces crédits viennent compléter les 45 M€ de crédits déjà alloués aux actions portant sur des initiatives innovantes ou des projets structurants, accompagnés dans le cadre des appels à projet visant l'innovation et la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires du PIA. S'agissant de la question de l'origine des produits, des instructions ont été transmises aux services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes afin de renforcer les contrôles sur l'étiquetage de l'origine des produits. D'autre part, les logos de la démarche « viande de France » et « lait collecté et conditionné en France », initiés par les professionnels, sont de nature à donner une information fiable pour le consommateur sur l'origine des produits et il importe que tous les acteurs s'engagent dans cette démarche et la mettent davantage en avant.

 

Enfin, l'État mettra en œuvre dans tous ses établissements les recommandations du guide juridique pour favoriser l'approvisionnement local établi par le ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt en décembre 2014, et il mobilisera les collectivités pour mettre en œuvre ces préconisations. Augmenter la part des produits locaux dans les cantines gérées par l'État et les collectivités, dans le respect des règles des marchés publics qui ont été améliorées en 2011, en 2014, puis de nouveau en 2015 avec la dernière modification adoptée en Conseil des ministres du 22 juillet dernier, c'est possible et plus que jamais souhaitable. Cela permet de répondre à une demande des consommateurs, d'améliorer et de sécuriser des débouchés supplémentaires à nos agriculteurs dans les territoires, et oblige également les acteurs de l'amont et de l'aval à s'organiser ensemble autour de projets partagés. Par ailleurs, le travail de simplification des normes applicables en agriculture, en particulier environnementales, se poursuit dans le prolongement de ce qui a déjà été réalisé : création du régime de l'enregistrement pour les installations classées d'élevage porcin et plus récemment de volailles, raccourcissement des délais de recours contre les autorisations d'élevage, optimisation du contenu des études d'impact… Concernant la pollution par les nitrates, les pratiques vertueuses des agriculteurs ont permis le retour à la conformité de certains bassins versants en contentieux en Bretagne. Plus globalement, les évolutions réglementaires récentes, fondées sur une approche agronomique et pragmatique et établies en concertation étroite avec la profession agricole, devraient permettre une issue positive du lourd contentieux engagé depuis 2009 par la Commission européenne. Enfin, une circulaire du Premier ministre, publiée le 31 juillet 2015, vient également clarifier les modalités d'une meilleure organisation et coordination des contrôles dans les exploitations, permettant davantage de pédagogie et une information préalable renforcée des agriculteurs sur les contrôles. Cette circulaire fait suite aux recommandations émises par Mme Frédérique Massat, députée de l'Ariège, dans un rapport rendu au Gouvernement le 19 juin 2015. L'ensemble du Gouvernement veille, en lien avec les services déconcentrés de l'État, à la bonne mise en œuvre, sans délai, de l'ensemble des mesures annoncées dans le plan de soutien à l'élevage français. Toutes les instructions ont d'ores et déjà été données et les différents services chargés de sa bonne mise en œuvre sont pleinement mobilisés. Le ministre en charge de l'agriculture restera également particulièrement attentif dans les prochaines semaines au respect des engagements de l'ensemble des acteurs concernés par le plan de soutien.

 

Enfin, dans ce contexte, le ministre a alerté la Commission européenne, ainsi que ses homologues dans les autres États membres, sur la crise que traversent actuellement les filières d'élevage. À l'issue du Conseil agriculture exceptionnel du 15 septembre 2015, une enveloppe de 420 M€ a été annoncée afin de financer une aide ciblée en faveur des éleveurs. L'enveloppe de 62,9 M€ accordée à la France servira à renforcer les mesures mises en œuvre au titre du plan de soutien. Le ministre en charge de l'agriculture reste pleinement mobilisé pour obtenir la mise en œuvre de mesures complémentaires au niveau européen, en particulier sur le lait, car les éleveurs français ne sont pas isolés en Europe dans les difficultés qu'ils rencontrent aujourd'hui

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